Les murs invisibles
La lumière du réverbère filtre entre les rideaux tirés. Il est tard, ou peut-être tôt—elle ne sait plus très bien. Le salon est en désordre, quelques verres traînent, témoins muets d’une soirée qui aurait dû être paisible. Il est là, près de la fenêtre, une cigarette coincée entre ses doigts. Il ne la regarde pas. Vous avez remarqué comme son silence pèse plus que ses mots ?
Elle inspire doucement, choisit ses phrases. Il faut dire les choses correctement. Pas trop brusquement, pas trop fort. Elle ne veut pas déclencher quelque chose.
— Tu es fâché ?
Il esquisse un sourire — ce sourire-là, celui qui glisse comme une lame sous la peau.
— Pourquoi je serais fâché ?
Il pose la question avec une douceur étudiée, comme s’il n’attendait pas de réponse. Elle hésite. Peut-être qu’elle imagine tout ça.
— Je ne sais pas… tout à l’heure, au dîner…
Il souffle une bouffée de fumée, lève à peine les yeux vers elle.
— Ah. Ça.
Un silence. Puis un rire bref, sec, comme une porte qui claque.
— Tu pars encore dans tes délires ?
Elle baisse les yeux. Ses doigts se crispent sur le tissu de son pull. Ce pull qu’il lui a offert. Elle a aimé ce cadeau, elle s’en souvient. Est-il devenu trop étroit, ou est-ce elle qui rétrécit à l’intérieur ?
— Je suis juste fatiguée, je crois.
Il s’approche enfin, pose ses mains sur ses épaules. Un contact tendre. Presque.
— Oui, tu réfléchis trop. Tu te fais du mal toute seule, tu sais ?
Sa voix est un murmure rassurant qui brûle plus que l’ombre de ses colères. Elle voudrait croire qu’il a raison. Ce serait plus simple. Elle pourrait se dire qu’elle exagère. Que tout est dans sa tête.
Il effleure son bras, lentement.
— Viens, laisse tomber tout ça. Personne d’autre que moi ne te comprend.
Elle ferme les yeux un instant. Respire.
Quand elle les rouvre, il sourit encore.
Ce sourire-là.

Histoire courte mais pesante, on ressent bien cette atmosphère malsaine aux vibrations basses.
Cette histoire, n’est qu’un petit reflet du quotidien de trop de femme qui subisse à en perdre leur estime de soi. Nous avons juste envie de lui crier » Barre-toi « , si seulement c’était si simple…
Bravo pour ta petite histoire bien écrite 👍🏼
Pascal
Merci beaucoup, Pascal, pour ton retour ! Je suis ravie que l’atmosphère de l’histoire soit bien passée, même si, effectivement, elle est lourde et pesante.
Et oui… « Barre-toi » semble être la solution évidente, mais la réalité est souvent bien plus complexe. Entre l’emprise, la peur, le doute et toutes les entraves (matérielles, émotionnelles…), ce n’est jamais aussi simple qu’on le voudrait. C’est aussi pour ça que j’écris sur ces sujets : pour montrer ces mécanismes invisibles et, quelque part, donner des clés à celles et ceux qui les subissent.